dimanche 16 octobre 2011

Le voile des femmes : notre Orient en question

Jocelyne Dakhlia, Frédéric Lagrange, Sophie Lalanne, Siobhan Mc Ilvanney, Florence Rochefort, Christelle Taraud. Autant d'intervenants pour les questions si actuelles qui touchent au port du voile dans le monde islamique et notre société occidentale.

Ce débat avait donc l'avantage de pouvoir aborder la complexité du voile dans ses dimensions historiques afin d'établir des rapports et d'éclairer les conceptions et utilisations diverses que l'on s'en fait.

Sophie Lalanne nous a donc rappelé quels furent les usages du « voile » dans les sociétés antiques gréco-romaines comme signe de distinction sociale, employé notamment chez les femmes de haute société, aussi banale que la nudité courante affichée chez les grecs dans le milieu athlétique. Le voile est donc dans cette culture un facteur de genre et un facteur social. On pourrait opposer cela aux sociétés celtiques dans lesquelles le voile ne joue qu’un rôle ornemental. Concernant le monde arabo-musulman d’avant la modernité, cette question du voile s’encrait dans une société patriarcale à laquelle s’est combiné un discours religieux. Ainsi s’est ajoutée au facteur social, et au facteur de genre, la notion de dissimulation et de préservation par le voile.

L’histoire du voile des XVIe, XVIIe et XIIIe siècles a malheureusement été peu étudiée dans le cadre français, notamment sur la question de la réception et de la transmission du voile en Europe. On constate que durant cette période la question du voile a très peu été abordée par les voyageurs, qui y posent un regard plutôt ludique et anecdotique, plus d’ordre sexuel que religieux, qui s’explique par un port du voile ou une mode de la coiffe lui-même courant en Europe. Sortir « en cheveux » n’était en effet pas concevable dans notre société occidentale, ou la coiffe était porteuse d’une idée, d’une morale et d’une certaine pudeur.

On pourrait faire un parallèle avec les perceptions orientalistes de l’époque coloniale du XIXe siècle ou le voile nourrit un imaginaire et un fantasme occidental alors que le but même de ce voile était de repousser toute possibilité de séduction, comme le rappellent nos intervenants.

Au XIXe siècle, le voile va devenir un critère fort de différenciation entre l’Orient et l’Occident, mais aussi un objet de revendication dans la volonté de réformer l’islam. La France est restée dans la modernité du dévoilement sans prendre en compte ces élans parallèles qui prirent naissance au même moment dans les pays arabes. On peut donc se poser la question du voile religieux et du voile profane comme deux réalités historiques mais aussi profondément actuelles, car le voile est aujourd’hui utilisé à des fins différentes pour chaque femme qui le porte.

Les idées évoquées au sein de ce débat nous poussent à réévaluer nos conceptions sur le voile en considérant les diversités d’utilisations qui lui sont faite : voile imposé, voile militant religieux ou politique, ou voile revendicateur d’une identité et d’une culture... Ce dernier phénomène, en augmentation en France ces dernières années, semble participer à la montée d'un discours de l’étranger dans un pays laïc qui accepte difficilement l'usage propagé du voile.


Julie Paoli

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