dimanche 16 octobre 2011

Cuisine : ce que l'on doit à l'Orient.


Lewis John Frederick, Le repas de midi au Caire
1875


Samedi 15 octobre, 16h15. La file d'attente est longue pour cette conférence, carte blanche à l'Institut Européen d'Histoire et des cultures de l'Alimentation (IEHCA) et à la revue Hommes et Migrations. Après une installation rapide, la table ronde débute, sous la direction de Jean-Pierre Williot, professeur à l'université de Tours. Jane Cobbi (anthropologue et chargée de recherche au CNRS) nous parlera du Japon, Brigitte Sébastia (anthropologue à l'institut français de Pondichéry), de l'Inde, et Rami Zurayk (professeur à la faculté d'Agronomie de l'université de Beyrouth), du Liban.

Lors de la préparation de cette table ronde, différentes approches ont été envisagées : celle de la circulation des épices et la multitude d'enjeux éco-géopolitiques qui en découlent, celle de la découverte et de l'intégration des produits orientaux à la culture occidentale. C'est finalement l'approche de la diffusion des modèles culinaires qui est choisie. En effet, depuis quelques années, la cuisine ethnique est partie à la conquête de nos assiettes, et de nos rues. Comment ce patrimoine immatériel a-t-il pu arriver jusqu'à nous ? C'est à cette question que vont répondre, brillamment, les intervenants.


La transmission culturelle se fait en grande partie par les immigrants. A leur arrivée en France, les Tamouls du Sri Lanka ouvrent de petites épiceries de produits indiens. Dans les années 1990, les produits dits « ethniques » deviennent à la mode. Les épiceries, jusqu'ici surtout fréquentées par la communauté indienne, s'ouvrent au reste de la population. La mécanique est la même pour les cuisines maghrébines et proches-orientales. Peu à peu, ces cultures s'intègrent à la restauration et la cuisine de rue.

La cuisine japonaise est une exception. Très à la mode aujourd'hui, elle fut longtemps marginalisée, provoquant le dégoût des palais français. Fascinés par la gastronomie hexagonale, les Japonais invitent chez eux de nombreux cuisiniers tels que Paul Bocuse et Alain Ducasse. Ceux-ci découvrent alors une cuisine précise, codifiée, et une multitude d'instruments (les fameuses batteries de couteaux japonais), et les importent en France.

Cependant, cet apport de techniques se fait avec une certaine simplification. Par exemple, le Sashimi, vu en France comme une recette de poisson, est en réalité une technique de découpage précise, utilisée pour le poisson, mais aussi la viande et les légumes.


La question qui se pose est alors la suivante : voyage-t-on réellement en dînant dans un restaurant ethnique ? La réponse est décevante. En effet, les restaurants exotiques s'adaptent à la culture réceptrice, et utilisent images et clichés, afin d'inviter au rêve mais surtout à la consommation.

Par exemple, les restaurants libanais servent en réalité le résultat d'un brassage culinaire entre Liban, Turquie et Syrie, adapté aux goûts occidentaux. Les spécificités locales sont passées sous silence : comme en France, la cuisine du Nord et du Sud de l'Inde sont très différentes, mais rien ne les distingue dans les restaurants indiens. Enfin, un produit comme le sushi, très à la mode, n'est en réalité pas représentatif de la gastronomie nippone, et pourtant, c'est le premier plat qui nous vient à l'esprit lorsque l'on nous parle cuisine japonaise.

Ainsi, en dînant dans un restaurant exotique, c'est une image commerciale, « occidento-centrée », que l'on consomme. Un voyage peut être, mais toujours à l'européenne.


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