lundi 5 décembre 2011

Blois











































La Chine dans la Seconde Guerre mondiale


Les ruines de Shangaï, 1937


Vendredi 14 octobre, 11h30. Cette conférence, dirigée par Emmanuel Thiébot, historien, fait intervenir Françoise Kreissler, professeure à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) et Sonia Au, doctorante.

En Europe, la fin de la Guerre Froide laisse place à un retour sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, et pose de nouvelles questions. En République Populaire de Chine, ce processus se fait en décalage avec le reste du monde. En effet, l'année 1989 marque un retour en force de l'idéologie communiste. Le but de cette conférence sera de comprendre comment la Seconde Guerre mondiale s'est inscrite dans la mémoire collective chinoise. La conférence commence par un rappel des évènements. Le premier front de la Seconde Guerre mondiale s'installe en Chine, après l'incident Marco Polo, le 7 juillet 1937. Les troupes japonaises, qui occupent déjà la Manchourie, font régulièrement des incursions en territoire chinois. Une simple escarmouche va mettre le feu aux poudres et déclencher la guerre sino-japonaise. Le Japon envahit alors la Chine, et ne rencontre que peu de résistance, jusqu'en Chine Centrale. Alors seulement, l'armée nippone enregistre de lourdes pertes et réalise que la conquête sera plus longue qu'espérée.

Entre 1937 et 1945, la Chine est divisée en plusieurs territoires, dirigés par différents pouvoirs qui s'affrontent entre eux : les nationalistes, les Japonais, puis les communistes à partir du 8 août 1945. Une semaine plus tard, le 15 août 1945, le Japon déclare le retrait des troupes. La Chine se déclare alors victorieuse, mais le Japon refuse de se considérer comme perdant.

La Chine bascule alors dans trois années de la guerre civile, et la période 1937-1945 s'éloigne des mémoires, face à une actualité plus brûlante. En 1946 sont organisés quelques procès de criminels de guerre, mais les règlements de compte avec le Japon attendront : les communistes prennent le pouvoir, et imposent leur idéologie des années de conflit. Les années suivantes ne donneront naissance qu'à peu de publications scientifiques sur le sujet, toujours sur des questions purement géographiques, ou servant la propagande communiste. La transmission de l'histoire de la guerre se fait presque intégralement par la culture populaire : cinéma, bande dessiné, théâtre, … Cette histoire de la guerre transmet une vision très sinocentrée du conflit, appelée « guerre de résistance face au Japon », expression occultant le reste du monde. C'est également une vision très formatée qui s'installe, où ne sont retenus que les évènements glorieux pour le communisme et le peuple chinois. Un exemple marquant de la force de l'idéologie communiste : l'occupation partielle de la Chine laisse penser qu'il existe une multitude de visions et de souvenirs de la guerre. Cependant, la « grille de lecture » maoïste reformate complètement cette mémoire collective et impose une image qui restera figée jusqu'en 1981.

En effet, le début des années 1980 marque la fin du maoïsme, ce qui permet un retour et une relecture du passé de guerre. La guerre sino-japonaise demeure malgré tout un symbole de la puissance du peuple chinois. Avec les années, les mentalités vont peu à peu évoluer. Un exemple frappant est celui du mémorial de Nankin. Ouvert en 1985, il est inauguré le 15 août, date victorieuse des quarante ans de la fin de la guerre. Lors de sa réouverture après quelques travaux en 2007, la date choisie est celle du 13 décembre, soit le jour de l'arrivée des troupes japonaises à Nankin. Ici, on a choisit de souligner la douleur et le traumatisme laissés par le massacre. Les années 1990 laissent également place à une vision plus globale de la guerre, de plus en plus souvent appelée « Seconde Guerre mondiale ».

Cependant, au contraire des relations franco-allemandes, les relations sino-japonaises sont loin d'être apaisées. En Chine, en 2005, de virulentes manifestations dénoncent le négationnisme du massacre de Nankin dans les manuels scolaires japonais. De plus, les Chinois se révoltent contre la demande du Japon d'intégrer le conseil de sécurité de l'ONU. En effet, la repentance du Japon quant aux massacres n'est que récente et paraît peu sincère, quand on sait qu'on parle encore là bas des « incidents de Chine », expression qui n'est pas sans rappeler « les évènements » d'Algérie. Ainsi, le président chinois Hu Jintao a déclaré : « Il n'est pas possible de contourner l'histoire, et je souhaite que le Japon affronte ce problème de manière plus objective ».


La conférence vue par Anaïs Prieto :

Cette conférence m'a beaucoup intéressée. En effet, elle m'a permis d'en savoir un peu plus sur un aspect de la Seconde Guerre mondiale peu enseigné ici, et peu accessible au vu du nombre restreint de livres en langue française sur le sujet. La place et l'histoire de la Chine dans cette guerre posent la question de la mémoire collective, et de la façon dont elle peut être manipulée. De plus, l'instauration du communisme juste après la guerre, ainsi que le négationnisme du Japon, ont repoussé la mise en place du processus auquel nous avons assisté en Europe. En effet, les procès de Nuremberg, les nombreux ouvrages et débats ont permis de clore, sans l'oublier, ce chapitre sombre de l'Histoire européenne. Alors que la blessure chinoise, non prise en compte et non soignée, est encore à vif.


La conférence vue par Katy Perisse :

J’admets volontiers que sur le programme, cette conférence ne m’attirait guère et que je m’y suis rendu avec réticence dans le seul but qu’elle me serve à rédiger un compte-rendu pour le séminaire de Guerre et Société proposé en M1 Histoire. Néanmoins, je ne fus pas déçue, cette conférence a été l’une des plus intéressantes et instructives qu’il m’ait été donné de voir pendant ces Rendez-Vous de Blois. De par son sujet tout d’abord : la place qu’a tenu la Chine durant la Seconde Guerre Mondiale, et son historiographie sur le conflit ; un sujet méconnu en France, rarement abordé dans le domaine universitaire et la recherche. Ensuite par la richesse des interventions, mélangeant récits factuels, culture de guerre et interprétation des conflits, et extrait de littérature chinoise, le tout conclu par un débat utile sur l’objectivité réelle des mémoriaux, qu’il soit là chinois, japonais ou même français.