samedi 15 octobre 2011

Entre science, esthétique et politique : les orientalistes francophones du XIXe au XXIe siècle. Grand Amphithéâtre - ENIVL de Blois

L’orient existe-t-il véritablement en dehors des représentations et des discours ?

C’est autour de cette question que les intervenants, Leïla DAKHLI, Alain MESSAOUDI, François POUILLON, Pierre SINGARAVELOU et Pierre VERMEREN ont proposé d’ouvrir cette table ronde cet après midi. La thèse d’Edward W. Said, Orientalism, publié en 1978, avait à l’époque l’extrême intérêt de soulever cette question en décloisonnant les propos communément admis sur notre passé colonial. Cette critique vive de Said, qui définissait ce concept d’orientalisme comme un pur produit des fantasmes et d’un discours politique occidental des XIXe et XXe siècles, est aujourd’hui plus que jamais remise en question dans les problèmes historiques qu’elle pose, car elle ne tient pas compte des rapports souvent complexes, ambigus et parfois inexistants entre la politique et la création, ou chaque auteur mériterait d’être étudié au cas par cas.

Les travaux récents conduisent donc à réfléchir sur les auteurs même de ce courant orientaliste à partir des sources et des biographies (peu étudiées) dans le but de nuancer les propos parfois virulents de Said et des auteurs qui se placèrent dans sa continuité. Dans ce discours pourtant en faveur des peuples du Maghreb et du Proche-Orient, Said semblait avoir oublié que ceux-ci avaient eu un rôle dans cette production orientaliste !

Nos spécialistes interrogent donc des aspects oubliés de cette histoire :

- La notion d’espace, qui a été largement réduite à un même ensemble alors que les régions concernées ne posent pas les mêmes interrogations.

- Le dialogue parfois étroit entre intellectuels locaux et savants occidentaux, qui ajoutèrent une raison d’être non négligeable à l’instance coloniale. (Où E. Said en a-t-il fait mention ?)

- L’étude des savants occidentaux dépourvus de toute volonté de domination, examinés à partir d’archives délaissées.

- Enfin la question de la réappropriation et du réemploi de ces productions par les populations orientales elles-mêmes comme légitimation d’une culture ! (On peut penser notamment aux peintures orientalistes il y a encore peu stigmatisées pour leur caractère faussement vériste et impérialiste).

Malgré l’immense intérêt que peuvent présenter de telles recherches, quelques critiques s’imposent. D’abord à propos du temps, bien trop court pour étancher notre soif de curiosité et activer un réel débat entre le spécialiste et son auditoire. Enfin à propos du débat même, qui ne fut pas sans susciter quelques interrogations, notamment sur le regard posé par la recherche arabe sur ces problématiques.

Julie Paoli

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