lundi 17 octobre 2011

Débat: Révolutions Arabes et Laïcité.

La conférence Révolutions Arabes et Laïcité nous a été présentée à la Maison de la Magie. Parmi les intervenants, nous avons eu la chance de voir Khadija Chérif, qui nous vient de Tunis, sociologue et secrétaire internationale des droits de l'homme. Jean-Pierre Filiu est un historien et professeur de sciences politiques. Joëlle Dusseau est également historienne mais aussi inspectrice générale de l'Éducation nationale en Histoire et Géographie. Farouk Mardam-Bey, d'origine syrienne, est éditeur et directeur de la collection Sindbad chez Actes Sud. Ainsi que Hervé Mesnager, conseiller municipal de Blois délégué à l’intégration, au dialogue républicain et à la laïcité.

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Ce débat a fait l'objet de nombreuses questions se déclinant au tour du thème "Révolutions Arabes et Laïcité". Tour à tour, les intervenants nous ont partagé leurs points de vue de manière pertinente.
Le débat nous amène à réfléchir à la fois sur les évènements du passé, acteurs et témoins des phénomènes actuels, et sur les problèmes qui se posent aujourd'hui dans les pays Arabes, en prenant en compte des liens avec l'Occident.
Il est intéressant de se pencher sur le terme de "laïcité" car c'est un mot en quelque sorte incompréhensible puisqu'il est difficilement traduit dans d'autres langues et encore plus en Arabie. Toutefois, la laïcité serait définie comme une liberté totale de chaque individu pour chaque croyance tout en gardant une indépendance vis à vis de l'État.

Le débat a aussi souligné la question de la (non) séparation entre religion et politique de l'État. La conversation s'est alors tournée vers les polémiques présentes entre Islam et éthique. Le mot "état" est absent dans le Coran. L'État est donc une construction tardive qui doit s'occuper de la sphère sociale en plus de la religion. On s'aperçoit dès lors que le mouvement de séparation entre religion et État est un processus long et complexe, souvent contesté, mais toutefois présent dans le monde arabe. Il débute au cours du XIXème siècle avec les réformes ottomanes. L'exemple de la Tunisie est frappant par rapport aux autres pays arabes car elle est en avance. Elle reconnait par exemple les droits des femmes à la fois au niveau juridique mais aussi religieux. Le mouvement est très profond, notamment au niveau de la pensée. Le nom arabe de "laïcité" renvoie à Allah. Elle est donc considérée comme une chose séculière.

Les intervenants se sont également interrogés sur le rôle de la colonisation. A t-elle approfondi ou limité ce mouvement?. En Syrie, elle a joué un rôle de frein car les mandats français ont été très cléricaux dans les protectorats. Les Français donnaient plus de soutien à l'Église locale pour combattre les Anglais, qui eux, avaient l'appui des catégories sociales majoritaires. En Assyrie, l'État a la primauté mais il utilise la religion comme instrument. Cela permet de justifier les révolutions et les réformes. L'État garde cette référence religieuse pour garder en mémoire l'histoire.

La réflexion s'est aussi orientée sur le fait qu'établir une république démocratique avec des notions de sécularisation, de laïcité, se transformerait peut être en une menace pour les futures élections. Selon Khadija Chérif tout est jouable car au XIXème siècle apparaissait des constitutions laïques mais la colonisation a joué un rôle dans le retour de l'Islam. Lors des révolutions pour l'indépendance, aucun slogan religieux n'a été utilisé. Aujourd'hui, un courant islamiste réapparait sur la scène et fait partie du paysage politique. L'ambiguïté entre politique et religion est complètement apparente. Elle est présente au cœur même de certaines lois. La Tunisie représente un enjeu énorme car elle est la première à organiser des élections dans le monde arabe. De plus, le poids des laïcs est présent dans les revendications sociales.

C'est le pouvoir politique qui veut mettre la main sur le pouvoir religieux et la religion a toujours voulu mettre en place une séparation et une laïcisation. La notion de laïcité a, pendant longtemps et même chez les intellectuels, été considéré comme athéiste. Depuis les révolutions, le mot laïcité trouve sa place et les islamistes comprennent peu à peu qu'il n'y a pas de guerre contre l'Islam. Le but est d'assurer la neutralité de l'État dans la législation des codes de lois. Or chez les peuples très croyants, il est difficile d'établir cette distinction entre sphère publique et sphère privée. C'est donc un vrai travail idéologique qui est a mené entre la séparation des deux sphères.
Nous avons aussi vu que le rempart contre l'Islamisme, politique menée par l'Occident, a plutôt servi à le renforcer. Tous ces problèmes ont simplement servi à accroître la contestation islamique et le repli identitaire de ces sociétés. Khadija Chérif ajoute que toutes les injustices, les poids et les mesures, les guerres, sont dus à la violation des valeurs universelles par les démocrates eux-mêmes.

Bien d'autres questions passionnantes ont animé le débat comme celle de la présence de l'antisémitisme juif dans le monde musulman et de la responsabilité des puissances coloniales. Le questionnement touche aussi au rôle de toutes ces révolutions contre les régimes de dictature. Le noyau dur des pays arabes reste surtout le code du statut personnel.


Morgane Guénard.

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